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dominique97110

L'accès au logement locatif : un parcours de plus en plus compliqué !

Dernière mise à jour : 11 juin 2022


Depuis une dizaine d’année, dans l’habitat privé, le rapport de force s’est clairement instauré en faveur des bailleurs, généralement des particuliers (ils détiennent 96% du parc locatif privé en France) situés dans les zones dites « tendues », c’est-à-dire là où la demande excède largement l’offre. Aussi le parcours des candidats locataires s’est-il considérablement compliqué, surtout pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir soit des amis ou des proches aux revenus confortables et acceptant se porter caution, soit de disposer d’un revenu suffisant vis-à-vis du loyer considéré. Les deux tiers de ces bailleurs particuliers sont en gestion directe, dont la moitié exigent une caution personne physique.


Pourtant, le taux d’impayé de loyer se situe entre 1% et 2%, grâce en partie aux aides de l’Etat, principalement l’ASL (le sinistre représentant alors entre 6 et 12 mois de loyers)[1]. Dans ces conditions, pourquoi les exigences des bailleurs se sont-elles durcies, entrainant une sur-sélection des candidats à l’entrée dans les lieux ?

Une des raisons avancées tient aux procédures françaises de recouvrement forcé : la France est en effet le pays d’Europe où l’expulsion est la plus difficile à obtenir en cas d’impayés : 9% des procédures d’expulsion engagées pour résiliation de bail conduisent à une expulsion, contre 28% au UK et 50% en Finlande.


Le marché locatif, un marché aux inégalités flagrantes


Tous ceux qui vivent dans une grande ville ont pu un jour remarquer de jeunes étudiants, candidats locataires, qui patientent dans un escalier d’immeuble, voire jusque dans la cour ou dans la rue, avant de visiter le studio convoité et de confier leur précieux dossier- sésame, qu’ils espèrent gagnant. La compétition entre candidats locataires est devenue féroce, et c’est à qui produira le dossier le plus sécurisant pour le propriétaire.


Ainsi, dans ces marchés locatifs tendus, la norme de revenus nets « représentant au minimum 2 fois le loyer charges comprises » tend bien souvent à glisser au fil du temps à « représentant 3 fois le loyer charges comprises ». Dit autrement : le taux d’effort, qui est le ratio loyer charges comprises /revenus nets, de 50%, tend à descendre vers les 33%.


De fait un rapport de Bercy de janvier 2022 identifie des manques de couverture en Garantie Locative : 1/5ème des ménages (21%) ne sont éligibles ni à une GLI, ni à Visale et doivent recourir à une caution. Sont concernés : 28% des + de 60 ans (vs 14% des 30 ans), 30% des personnes inactives, 30% des commerçants artisans chefs d’entreprises et 37% des personnes sans emploi.

Le rapport constate ainsi qu’il existe ainsi un effet d’éviction de certains publics vis-à-vis du logement : du fait de l’inéligibilité à des garanties locatives.



En dehors du parc public social, il existe cependant des dispositifs pour les personnes aux revenus modestes et qui n’ont pas un ami ou un parent « riche » qui peut se porter caution


Tout d’abord, l’Etat a tenté depuis plus de quinze ans de mettre en place des dispositifs d’aide aux plus modestes pour l’accès à un logement dans le parc privé : de la Garantie des Risques Locatifs (GRL), lancée en 2007 et qui a été abandonnée en 2016, à Visale, lancée en 2016 et toujours gérée par l’opérateur public Action Logement Services.

Les critères d’éligibilité visent avant tout les jeunes de moins de 31 ans et ont pour objectif de réserver le dispositif aux candidats locataires jeunes travailleurs issus de milieux modestes.

Ainsi il faut pour bénéficier de Visale (bénéfice limité aux 3 premières années du bail) :

- être âgé de moins de 31 ans (dans le cas contraire : bénéficier d’un CDD dans un secteur assujetti à la PEEC, avoir un salaire mensuel net inférieur à 1.500€ ou une promesse d’embauche de moins de 3 mois ou une mutation professionnelle de moins de 6 mois)

- avoir un taux d’effort inférieur à 50%

- ne pas être rattaché fiscalement à ses parents

- ne pas avoir commencé à travailler depuis plus de 6 mois, par rapport à la date d’entrée dans le logement

- ne pas avoir un loyer mensuel supérieur à 1.500 € à Paris et à 1.300 € en province

- n’avoir aucun lien de famille avec le bailleur

En outre, le logement ne doit pas être situé dans le parc privé conventionné et le bailleur ne doit pas bénéficier d’une autre garantie.


De fait, depuis le démarrage du dispositif, les volumes de bénéficiaires du dispositif Visale restent limités : 300.000 ménages (600.000 personnes), 60% des bénéficiaires étant en CDD ou autres contrats précaires, soit 5% des baux privés.

C’est la raison pour laquelle le candidat Emmanuel Macron a fait part dans une tribune[2] de ses projets en matière de logement pour un second quinquennat, en particulier de sa volonté de « créer une véritable caution publique, accessible à tous les locataires, et prise en charge par la puissance publique ».

Signalons enfin pour clore ce volet des aides publiques en faveur des candidats locataires le service Dossier Facile proposé la GovTech (start up créée par les pouvoirs publics) du même nom, qui a pour but d’aider les candidats locataires à préparer le « meilleur » dossier composé de pièces justificatives : d’identité, de ressources, de domicile, de situation professionnelle et d’impôts, certifiées par les services de l’Etat et stockées sous forme digitale dans un Coffre-Fort Numérique.


A côté des efforts publics pour fluidifier le marché locatif privé et rétablir, même partiellement, l’égalité des chances, sont apparues des offres de Garantie Loyer Impayé (GLI) mais à la charge du locataire au lieu du propriétaire, qu’on appelle GLI « inversées ». Elles sont proposées par des startups telles que Cautioneo, Garantme, Unkle…. Si le coût d’une GLI se situe entre 2 et 5% du loyer, le coût d’une GLI inversée se situe, lui, plutôt dans la fourchette 3 à 5% du loyer en fonction des revenus du locataire.

Selon les contrats :

- les plafonds d’indemnisation se situent à entre 60 et 100KE, et les durées de 24 à 36 mois.

- certaines GLI se limitent à des biens dont le loyer ne dépasse pas 2000€/mois

- certaines GLI appliquent un délai de carence de 2 à 3 mois à partir de l’entrée dans les lieux, ainsi que des franchises en euro et/ou en nombre d’impayés


Les candidats locataires sont sélectionnés avec un taux d’effort maximum variant entre 35% et 38% selon les GLI pour les candidats en CDI, et pour les autres candidats (CDD, intérimaires, intermittents du spectacle…) le taux d’effort ne doit pas dépasser 33%.


La GLI ne peut être cumulée avec des Cautions physique car le cumul est interdit par la loi du 6 juillet 1989, modifiée le 25 mars 2009. Des pressions se manifestent régulièrement vis-à-vis du pouvoir public pour lever cette interdiction[3].


Un article du Monde de 2021[4] pointe le fait que » ces nouveaux acteurs (startups opératrices de GLI) ne sont pas soumis aux mêmes restrictions sur les pièces justificatives qui peuvent être exigées des candidats à la location par les bailleurs et leurs agents. Certains acteurs déclarent ainsi s’assurer de la solvabilité des personnes qu’ils cautionnent en leur demandant leurs relevés bancaires sur les 3 derniers mois, ce qu’un propriétaire ou un agent immobilier n’a pas le droit de faire. »


De ce fait, ces offres sont critiquées par des organisations représentatives des jeunes (Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes- Uncllaj…).


« Reste que ce type de garantie est le seul moyen d’accéder à un logement pour certains, tant les rapports locatifs sont tendus, constate Pierre Hautus, directeur général de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). C’est révélateur d’une ambiance mortifère. Il y a un tel déséquilibre entre un propriétaire et un locataire qu’on trouve des ingénieries complexes pour contourner certaines règles. »


C’est dans ce contexte qu’est apparue début 2022 un système de garantie collaborative « crowd pledging [5]», sous forme d’engagements de paiement à première demande des amis et proches du locataire, proposé par la startup meltinpot. La plate-forme consolide les garanties apportées par les amis et proches, avec une surcouverture du risque de 50% : par exemple pour un risque de 5000€, meltinpot demande une couverture de 7500€.

Le principe réside dans la sollicitation de son réseau d’amis par le locataire, chacun se portant « micro-garant » pour le montant de son choix, en signant électroniquement un acte d’engagement de paiement à première demande et en communiquant à meltinpot ses coordonnées de paiement, qui ne seront bien évidemment utilisées que dans le seul cas de défaut de paiement du loyer de leur ami.


Pour sa première année d’existence, meltinpot vise les baux courts, en raison de la nécessité de mobiliser un nombre significatif d’amis apportant chacun un montant modeste (le montant par micro garant est plafonné à 1500€, mais meltinpot estime que la plupart des « potes » micro garants se situeront bien en deçà de cette somme). Dans le cas où elle ne pourrait intervenir pour la couverture du risque d’impayé de loyer proprement dit, meltinpot a de toutes façons la capacité à se substituer au dépôt de garantie (1 mois de loyer pour le non meublé et 2 mois pour le meublé).


En raison de son coût « symbolique » pour le locataire, 20€ une fois pour toutes et gratuit pour le bailleur, meltinpot espère devenir le « service public » de la garantie locative de petite durée en France, spécialement pour le bail mobilité mis en place par la loi ELAN du 23 novembre 2018 (d’une durée de 10 mois maximum), à destination des étudiants, des apprentis et des alternants…. Mais aussi de toutes celles et ceux qui voudront augmenter leurs chances de décrocher leur logement, quelle que soit leur situation !







[1] Même si 57% des locataires ont été confrontés à une difficulté de paiement de loyer depuis la crise sanitaire. Argus de l’Assurance du 28/02/2022 [2] Tribune dans News Tank Cities, mai 2022 citée par Immomatin https://www.immomatin.com/evaluation/services-evaluer/creer-une-veritable-caution-publique-accessible-a-tous-les-locataires-emmanuel-macron.html [3] Selon une étude réalisée par OpinionWay pour Se Loger en novembre 2021, 74% des locataires souhaitent pouvoir cumuler une caution personnelle et une GLI. [4] « La caution numérique, une solution pour la location ? », le Monde du 5 novembre 2021. [5] Littéralement : Promesse par la foule


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